Combiner la réalité augmentée et la simulation CFD pour révéler le fonctionnement de l’outil « salle propre ».
P. Bombardier – Responsable cellule développement appliqué et innovation FAURE QEI (ATRIX GROUP)
La compréhension du comportement de l’air et des contaminants en salle propre n’est pas simple pour qui est confronté à des environnements réels où les obstacles à l’écoulement, les sources de contamination et sources thermiques sont multiples et invisibles. Or, « voir » est un élément essentiel des processus cognitifs que l’on met en jeu pour former, étudier ou investiguer. Pour cela, des outils numériques peuvent nous aider tel :
– la simulation (flux d’air, thermique, transferts particulaires et gazeux)
– les technologies immersives
De la part des technologies immersives, on peut souhaiter une information qui soit pertinente et accessible sur l’environnement industriel et les processus de production, mais également une nouvelle capacité de vision des phénomènes physiques à l’œuvre. Cette information « augmentée » sur les phénomènes physiques peut provenir soit de capteurs dont les données seraient traitées pour être affichées à l’emplacement de mesure, soit de calculs basés sur des équations robustes permettant de reconstituer cette physique (simulation), soit enfin par l’extrapolation spatiale des mesures par le modèle numérique (appelée « assimilation de données »).
Nous allons décrire une expérience menée dans une salle propre pour évaluer l’apport de la visualisation immersive d’une simple simulation CFD.
Parmi les technologies immersives il faut distinguer les différences principales pour éviter les confusions :
-La Réalité Virtuelle (VR en anglais) est une technologie informatique qui crée un environnement dans lequel l’utilisateur est immergé (et coupé de son environnement réel) et où il peut généralement se déplacer. Cet environnement peut être une imitation fidèle de la réalité ou bien une vision totalement imaginaire. Différents sens de l’utilisateur peuvent être impliqués, la vue en premier lieu. Dans le contexte professionnel, l’expérience vise à considérer un environnement et une situation réelle ou possible, d’une manière aidant à sa connaissance et son intelligibilité. L’utilisation de la VR déclenche donc un processus cognitif qui modifie/améliore l’assimilation de concepts techniques.
-La Réalité Augmentée (AR) diffère totalement du mode d’immersion précédent. Elle superpose la réalité et des éléments virtuels (images, sons, etc.) pour ajouter une information utile (ou divertissante pour les applications ludiques). Dans le cadre professionnel, les applications phare sont l’assistance en cours d’intervention (maintenance, chirurgie, pilotage, etc.), le guidage ou la formation.
-La Réalité Mixte (MR) quant-à-elle mélange plus encore le réel et le virtuel dans des proportions variables. Le virtuel y est modifié par les évènements de l’environnement réel et les actions du ou des participants (qui peuvent y être représentés par un avatar). La réalité mixte est à la frontière des concepts de VR et AR).
-La Réalité Etendue (ER) est un concept récent. Un environnement virtuel est créé d’après l’environnement réel après l’avoir analysé. L’utilisateur est alors immergé dans une pseudo-réalité. Ce concept est souvent utilisé pour désigner une utilisation combinant les trois concepts précédents (RV+AR+RM).
La Réalité Augmentée, sujet de cet article, peut avantageusement être associée à la simulation numérique (CFD), pour concevoir ou modifier des salles propres. Nous présentons ci-dessous la mise en œuvre d’une telle application puis un retour sur cette expérience.
Mise en œuvre en salle propre :
On peut synthétiser les étapes comme suit :
1- Simulation
Construction 3D
Conditions
Maillage
Calcul
2- Préparation AR
Conversion puis analyse des données
Vectorisation
Référencement
Génération des données AR
3- Visualisation AR
Acquisition d’images
Suivi de position
Mapping
Affichage sur l’écran mobile
Les simulations et le post-traitement pour l’AR sont réalisés sur des ordinateurs puissants
Les points importants dans cette mise en œuvre sont :
1. Choisir un environnement qui est relativement stable et dont les caractéristiques
géométriques et d’encombrement seront correctes suffisamment longtemps pour les
utilisateurs de la réalité augmentée.
2. Être aussi fidèle que possible dans les dimensions et position des éléments importants tel
que les diffuseurs d’air et grilles de reprise.
3. Se demander si dans le volume il y a des objets imposants qui doivent occulter la vision des
valeurs numériques qui seraient derrière.
4. Prévoir si besoin plusieurs scénarios de fonctionnement possibles permettant de s’adapter à
la réalité du terrain. Par exemple un PSM dans une salle propre peut être en fonctionnement
ou arrêté, avec une conséquence sur les écoulements de la salle propre.
Le post-traitement des résultats de simulation est spécifique à l’utilisation en AR afin de permettre l’affichage sur un appareil n’ayant pas beaucoup de puissance de calcul/graphique.
Retour d’expérience sur le premier essai réalisé :
L’environnement de test choisi est notre salle propre située à Saint-Martin-d’Hères (38). Celle-ci est de dimension modeste (28 m2) et sert à nos activités d’analyse microbiologique, aux tests de contamination d’équipements, à l’entretien des compteurs de particules ainsi qu’à des projets de développement R&D. Elle comporte un sas (7m2) et une salle en classe de propreté ISO 5, configurable localement en classe ISO 3 (FFUs avec des guides d’air périphériques). Le soufflage est situé au plafond et les reprises sur le mur situé à gauche ci-dessous. La présence de diffuseurs et de flux laminaires dans le même espace en fait un emplacement de choix pour visualiser des flux turbulents ou unidirectionnels.
Notre objectif principal est d’évaluer la rapidité de mise en œuvre de cette solution, à partir de simulations existantes et d’explorer la qualité du rendu et la perception de l’utilisateur final.
Figure 2 – Salle propre FAURE QEI à Saint-Martin-d’Hères. Modèle 3D fidèle à la réalité
Figure 3 – Simulation aéraulique de la salle en préparation (logiciel Cradle CFD)
Avec l’aide de la société Hexagon nous avons suivi les étapes de mise en œuvre suivantes :
1) Conversion des résultats de simulation au format A.R. (45 min.)
2) Positionnement du marqueur (référence de position) à l’emplacement prévu sur le mur de la salle.
3) Préparation de l’application sur tablette
4) Visualisation spatiale des résultats en tenant compte de la position du système mobile.
Tout la phase de préparation décrite ci-dessus a pris approximativement 1h. Nous avons constaté que la synchronisation de la position s’effectue assez rapidement et que les images sont stables.
Images des essais
Les images ci-dessous représentent les vitesses d’écoulement selon une échelle de 0 m/s (bleu foncé
à 1 m/s (rouge).
Figure 5 – Affichage A.R. sur tablette
Figure 6 – Vision A.R. – Soufflage d’un diffuseur à tôle perforée
Commentaires sur l’expérience de visualisation :
Comme on le perçoit sur les images, l’effet d’immersion fonctionne parfaitement même sans lunettes 3D. L’écran de la tablette agit comme un filtre placé devant le regard pour révéler les écoulements et autres informations utiles. On peut se déplacer et aller au plus près des points d’intérêt.
Les personnes ayant testé le système, ont l’impression de visualiser des phénomènes en direct et non des résultats de calcul. Leur curiosité est stimulée, leur envie d’explorer l’environnement également. L’expérience est « marquante » car la mémorisation est améliorée par le lien direct établi entre les images et les phénomènes physiques associés, ainsi que par l’aspect ludique. Nous avons cependant constaté que la visualisation par « flèches animées » pouvait devenir confuse si leur densité est trop importante. Dans ce cas la préparation d’animations par zones est préférable à un affichage de l’ensemble des écoulements existants dans le volume.
Applications envisagées :
1) Formation du personnel de salle propre.
2) Réunion projet pour la modification d’une zone propre
3) Présenter des résultats de simulation
4) Présenter des résultats de mesure
Fonctionnalités complémentaires :
Une vision en réalité augmentée permet aussi d’afficher des informations contextuelles. Dans le cadre de formations du personnel, on peut imaginer ajouter du texte informatif pour décrire les éléments techniques (identification, spécification) ou ajouter des informations sur les réglages de l’installation
(point de fonctionnement des ventilateurs, consignes de débit, etc.).
Conclusion :
La simulation des salles propres, qui est utilisée pour étudier la contamination, concevoir une diffusion d’air efficace, positionner des équipements ou des capteurs, etc., produit des informations spatiales sur les paramètres physiques environnementaux caractéristiques. Ces informations peuvent
être facilement couplées avec une technologie immersive de réalité augmentée. Nous avons pu préparer en moins d’une heure la visualisation « A.R. » d’une zone de 20 m2 (à partir d’une simulation existante). L’immersion visuelle des observateurs stimule l’assimilation d’informations pédagogiques ou pratiques concernant les écoulements d’air, la dissémination ou le confinement de contaminants, et les éléments techniques de l’installation. Ainsi, la relative simplicité de mise en œuvre et la communication efficace en font un outil intéressant pour découvrir l’environnement « Salle propre » et former les utilisateurs, pour les projets de construction, l’aménagement de salles propres. Nous espérons utiliser toutes ces fonctionnalités à grande échelle prochainement et affiner les modes d’affichage proposés pour chaque type d’utilisation.
En savoir plus : https://www.faure-qei.com/
Contact :
Pierre BOMBARDIER |Responsable cellule développement appliqué et innovation FAURE QEI (ATRIX GROUP)
Ligne directe : +33 (0)4 76 92 96 56 | +33 (0)6 08 66 24 13